L’ENA et les Elites

Remplacée par l’Institut du service public, l’Ecole Nationale d’Administration a longtemps concentré sur elle un ensemble de critiques visant à dénoncer des lauréats accusés de former une caste élitiste hors-sol. Mais cette stigmatisation ne révélerait-elle pas une angoisse latente nourrie par les évolutions sociétales.

Annoncée comme une étape-clef, voire une révolution, du quinquennat finissant d’Emmanuel Macron, la suppression de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) a bousculé nombre de futurs et anciens élèves d’une institution fondée en 1945 avec pour objectif de former les hauts- fonctionnaires de la République.


Beltway Insider: Biden, American Jobs Plan, SCOTUS, COVID/Vaccine, Immigration Costs, Prince Philip

Rapidement accusée d’être une fabrique à élite administrative, l’ENA a agrégé autour d’elle ses partisans et ses détracteurs. Ces-derniers, de plus en plus nombreux au fil des années, se sont essentiellement retrouvés dans le mouvement des Gilets Jaunes, pourfendeurs d’une institution coupable à leurs yeux d’être totalement déconnectée de la réalité sociale et économique du pays.

Dans le même temps, toujours plus taxée d’élitisme, l’ENA, qui finit par compter parmi les plus prestigieuses institutions de la nation avec l’Ecole Normale Supérieure, l’Ecole Polytechnique, l’Ecole de la Magistrature, l’Ecole du Haut-Commissariat de la Marine, l’Ecole des Mines Paris-Tech et d’autres, s’est progressivement vue reprochée de s’éloigner dans son recrutement des classes moyennes, en contradiction avec les valeurs de la République que celle-ci devait, par essence,servir.

Utilité et Arcanes

Formant des hauts-fonctionnaires aux compétences unanimement et mondialement reconnues, l’ENA a lentement vu son image se dégrader au sein d’une population qui, tout en reconnaissantson utilité intrinsèque, ne parvenait plus à adhérer aux logiques développées par ceux qui en sortaient, tout au service de la nation et de l’intérêt général qu’ils fussent.


Gouverner ou Partager?

Cette fabrique à élite, devenue illisible pour une majorité de Français, nourrissait à son endroit doutes et méfiance. Pour autant, plusieurs questions se posent désormais alors que l’ENA se meurt et que se dresse fièrement le prochain Institut du service public appelé à la remplacer dans la forme certes, certainement pas dans le fond.

Première des questions, l’ENA formait-elle réellement des élites ? Si chacun peut apporter sa propre réponse, il semble évident que formés aux rouages et arcanes du fonctionnement de l’État, celles et ceux qui en sortaient se distinguaient par une connaissance aigue des mécaniques administratives complexes qui prévalent en France, connaissance qui, avouons-le, échappe à nombre d’entre nous. En cela, l’ENA formait d’évidence des élites.

Non pas sociale mais d’abord intellectuelle qui de par leur fonction devenaient sociologiquement des élites. Autre reproche formulée à l’endroit de l’institution, l’entre soi de son recrutement. Forte d’un concours d’entrée des plus exigeants, l’ENA a pris le partie de ne sélectionner que ceux qu’elle considérait comme les plus aptes à remplir les fonctions que l’Étatproposait.


La Guerre et la Honte

Collectivité et Certitude

Là encore taxée d’élitisme, mais pouvait-il en être autrement, l’Ecole Nationale de l’Administration, s’est bornée à former les futurs serviteurs la collectivité plus souvent enfermés dans les bureaux des ministères ou des préfectures que dans les préfabriqués posés en bordure des chantiers d’autoroutes ou des ouvrages d’art en construction.


Le Covid, Un Vaccin Et Du Cynisme

Globalement, il apparaît que la stigmatisation des élites issues de l’ENA, tout comme d’autres grandes institutions républicaines dédiées à la formation des serviteurs de l’État, renvoie aussi à la perception de ce qu’est une élite, comment celle-ci naît et perdure dans le temps.

En période troublée, à l’image de celle que la planète traverse, les élites, du moins ceux considérés comme en faisant partie, représentent à leur corps défendant une forme de caste prétendue protégée des aléas du quotidien et exemptée des rigueurs du quotidien.

Fondée ou non, cette certitude, renforcée par la technocratisation d’un Etat ancien, reste encore durement ancrée dans nombre de mentalités. Les années passant et les crises, que quelques natures qu’elles soient avec, il est fort probable que la question des élites ainsi schématiquement résumée, soit régulièrement convoquée. Non par pour les accuser d’énièmes maux mais peut-être pour expier les inquiétudes et les angoisses de populations en mal de réponses et en quête de responsables, avérés ou non.

 

 

Bio: Olivier Longhi possède une vaste expérience en histoire européenne. Journaliste chevronné avec quinze ans d’expérience, il est actuellement professeur d’histoire et de géographie à la région de Toulouse en France. Il a occupé divers postes dans le domaine de l'édition, notamment ceux de chef d'agence et de chef de l'édition. Journaliste, blogueur reconnu, éditorialiste et chef de projet éditorial, il a formé et dirigé des équipes éditoriales, a travaillé comme journaliste pour différentes stations de radio locales, consultant en presse et en édition et consultant en communication.

Haute Tease