L’Iran et le Tourbillon de la Jeunesse

Le vent de contestation qui souffle sur l'Iran depuis plus d'un mois désormais pourrait sonner le glas d'un régime épuisé et anachronique. La jeunesse iranienne, avide de liberté, fera vaciller le régime mais ne pourra le faire définitivement tomber sans l'appui des Occidentaux.

Nul ne sait si la révolte populaire - pourquoi d'ailleurs ne pas parler de révolution ? - qui agite l'Iran depuis un mois désormais fera vaciller le régime des mollahs au point de faire tomber et au pouvoir depuis 1979.


Une Réforme et du Cynisme

La société iranienne, qui s'est enflammée après la mort de Masha Amini le 16 septembre dernier, arrêtée par la police des mœurs qui lui reprochait des cheveux visibles, est depuis traversée par une vague de manifestations condamnant d'une part la mort de l'étudiante de 22 ans mais d'autre part toutes les formes de répression appliquées au nom de loi islamique.

L'Iran, fort d'une population jeune, éduquée et cultivée, pressée de participer aux avantages de la mondialisation, fait savoir au régime de Téhéran que les privations de liberté n'ont que trop duré. Cette révolte de la jeunesse iranienne, déjà déçue par d'autres mouvements de ce type il y a quelques années, pourrait cependant bien arriver à ses fins.

Sanctions et Hédonisme

Plusieurs raisons l'expliquent. Tout d'abord, l'épuisement d'un régime qui ne parvient plus à s'imposer à l'échelle diplomatique, cerné par des sanctions internationales lourdes qui entravent son développement économique et pousse l'inflation à de niveaux records. Cet isolement diplomatique et économique se double aussi d'un isolement politico-religieux. Chiite dans un monde musulman à 90 % sunnite, l'Iran ne peut trouver d'appui que dans le Hezbollah, certes solidement implanté au Liban mais en perte de vitesse dans la galaxie de mouvances islamistes.


Ne Pas Dire Que L’on Ne Savait Pas

Mais les dernières heures du régime des mollahs pourraient surtout trouver leurs origines dans la jeunesse iranienne elle même. La nouvelle génération moins soumise que ses pairs, moins versée dans le Coran ou les textes saints que les Gardiens de la Révolution s'avère en revanche beaucoup plus friande de modernité et de nouvelles technologies que d'interdits religieux. Moins docile, beaucoup plus rebelles et irrévérencieuse et plus ouverte sur le monde, la jeunesse iranienne nourrit tout ce que le régime prohibe : libertés individuelles et hédonisme.

Taxée d'occidentalisme par les castes dirigeantes, la jeunesse iranienne a tout simplement faim de liberté et manifeste son envie de vivre en sortant de la société figée dans laquelle les mollahs l'ont enfermée dès sa naissance.


De Kiev à Pékin

La fin du régime iranien, qui marquerait une avancée significative dans les relations internationales au point d'abaisser le niveau de tension existant au Moyen-Orient, serait aussi la marque de l'agonie d'un des derniers vestiges de la Guerre Froide.

Implosion et discrédit

Le point de crispation que constitue l'Iran dans le nord de la Mésopotamie serait alors dissous par une implosion du régime et non une explosion comme certains auraient pu le redouter. Menée par une jeunesse avide de changement, la contestation, si elle devait aboutir, sonnerait le signal de révoltes futures dans d'autres pays de la région.

Les pouvoirs quasi-monarchiques de Recep Tayip Erdogan en Turquie ou la main mise sanglante de Bachar El-Assad sur la Syrie seraient certainement atteints par l'émancipation iranienne mais reste à savoir dans quelle mesure. Pour l'heure, les manifestations se poursuivent et sont réprimées dans le sang et la violence.


Nouvelle Partition

Mais pour combien de temps encore ? Car si le monde a aujourd'hui les yeux rivés vers Kiev et les cours de l'énergie, la future crise iranienne, si celle-ci devait s'éterniser et prendre encore plus d'ampleur, pourrait aisément susciter l'intérêt des puissances occidentales qui plaideront toujours, au regard des réserves de pétrole de l'Iran, pour un régime stable et ouvert à la négociation.

Et dire que ces dernières attendent cyniquement d'apprécier l'évolution de la situation n'est qu'un euphémisme. Voilà peut-être aussi une piste à explorer pour la jeunesse iranienne : le soutien des Occidentaux pour discréditer le régime des mollahs. A question est désormais de savoir si ces mêmes Occidentaux ont inscrit l'Iran sur leur agenda futur.

 

Bio: Olivier Longhi possède une vaste expérience en histoire européenne. Journaliste chevronné avec quinze ans d'expérience, il est actuellement professeur d'histoire et de géographie à la région de Toulouse en France. Il a occupé divers postes dans le domaine de l'édition, notamment ceux de chef d'agence et de chef de l'édition. Journaliste, blogueur reconnu, éditorialiste et chef de projet éditorial, il a formé et dirigé des équipes éditoriales, a travaillé comme journaliste pour différentes stations de radio locales, consultant en presse et en édition et consultant en communication.

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